La motricité libre, c’est quoi ?
Stimulés ou pas, tous les bébés en bonne santé parviennent à marcher, sans que l’on ait besoin de leur apprendre. Toutefois, l’attitude des personnes qui les entourent peuvent favoriser ou freiner l’installation d’une bonne motricité.
Michèle Forestier, De la naissance aux premiers pas
On entend beaucoup parler de la motricité libre ces derniers temps, comme une sorte de « pédagogie » émergente souvent associée aux méthodes Montessori. Mais la motricité libre (ML pour les intimes), qu’est-ce que c’est vraiment ?
La motricité libre, concrètement, c’est quoi ?
La motricité libre est un principe développé par Emmi Pikler, une pédiatre hongroise renommée. Ses travaux ont permis de grandes avancées sur le développement des enfants, en démontrant notamment que les bébés sont capables de découvrir seuls les nouvelles positions et les déplacements, c’est une programmation biologique. Autrement dit, le fait d’apprendre à se retourner, s’asseoir, ramper, marcher, etc… est inscrit dans nos gènes ! Il n’y a pas besoin que nous, adultes ou parents, apprenions ou aidions les enfants dans ces grandes étapes de leur développement moteur.
Au contraire, les aider est souvent néfaste : en plus de les rendre dépendants de l’adulte, cela peut mettre en place de mauvaises habitudes ou postures ; le corps est fait de façon à ce que chaque étape sollicite certains muscles et articulations, qui se développeront eux-mêmes pour les prochaines étapes. Nul besoin de brûler les étapes, donc.
En résumé : on laisse les enfants évoluer seuls, au gré de leurs envies et capacités, qui seront meilleures si on le laisse bouger librement. On est là pour l’encourager, le retenir en cas de chute, mais pas pour le faire avancer plus vite qu’il ne devrait. Chacun va à son rythme, inutile de comparer au fils du voisin qui a marché à 9 mois ou à sa cousine qui a rampé jusqu’à ses 14 mois : un bébé en bonne santé finira tôt ou tard par franchir toutes ces étapes. Le principal, c’est que le bébé soit confiant en son équilibre et ses capacités. En plus, ça contribue à développer son autonomie et son sentiment de fierté et de sécurité. Et surtout, la ML n’est pas incompatible avec le portage, bien au contraire !
Motricité libre : les grands principes
Les grands principes de la motricité libre sont donc assez simples : on n’intervient pas dans l’acquisition d’une nouvelle étape d’un bébé, et on ne l’installe jamais dans une position qu’il ne maîtrise pas seul. Asseoir un bébé (souvent en le calant avec des coussins) n’est pas bon pour lui, il doit muscler son dos pour les prochaines étapes. Tout comme faire marcher un bébé en lui tenant les bras ne l’est pas non plus : ça fausse sa représentation de la marche en déplaçant son centre de gravité (oui, dans la vraie vie, on ne marche pas avec les bras au-dessus de la tête – vous l’aviez sûrement rermarqué).
Laisser son enfant se débrouiller seul permet aussi aux parents d’être étonnés et fiers de voir ce que leur progéniture est capable de réaliser seule ! C’est pour ça que la ML est souvent associée à la pédagogie Montessori, qui elle, favorise l’autonomie du bébé : la motricité libre, c’est l’exploration tout en autonomie !
Quel matériel ?
Ce qui est très pratique avec la ML, c’est que ça ne coûte rien ! Il n’y a besoin d’aucun matériel spécifique, au contraire, less is more ! On peut aussi utiliser tout ce qu’on a sous la main : un panier à linge comme support, un petit tabouret comme pousseur… Les enfants adorent les objets de la vie courante !
On n’utilise aucun matériel qui entraverait la libre motricité du bébé : transat, « siège » pour bébé, anneau de bain, parc… De fait, autre grand principe : exit le youpala (aussi appelé trotteur) ! Il semble amusant mais cumule les points négatifs : marche sur la pointe des pieds, appui sur les parties génitales (ça doit pas être fun pour les mecs !), mauvaise posture du dos… Bref, pas étonnant qu’il soit interdit en crèches et dans plusieurs pays, et déconseillé par les professionnels de santé ou de la petite enfance formés aux dernières recommandations.
Niveau vestimentaire, on conseille de choisir des vêtements et chaussures adaptés, qui ne gênent pas leurs mouvements. Ils doivent être souples et amples pour leur permettre de bien sentir leurs appuis et les sensations du corps. Pas forcément compatible avec la nouvelle tendance des bébés ultra lookés comme des adultes dans des jeans slims et chemise en lin mais, breaking news : votre bébé n’en a rien à carrer de son look.
Comment appliquer la motricité libre au quotidien ?
Appliquer la ML à la maison quotidiennement est en réalité très simple : lorsqu’il est encore bébé, on le laisse au sol (sur un tapis ou une couverture hein, pas direct sur le carrelage en plein hiver, vous voulez finir à la DDASS ?) pour prendre conscience de ses points d’appui. On peut aussi le mettre sur le ventre pendant ses périodes d’éveil pour l’habituer à cette position, pour que d’une part il ne panique pas lorsqu’il se retournera pour la première fois, et que d’autre part, sa tête ne soit pas aplatie par la position constante sur le dos. Puis, on pose un portique ou des jouets près de lui pour l’éveiller, qu’il essaie de les attraper ou de se retourner, etc. Et de là la machine se mettra en route d’elle-même ! Il apprendra à tenir des jouets, se retourner, pivoter, ramper, s’asseoir, faire du 4 pattes, se lever, marcher, courir… Il est également recommandé que l’enfant ait son espace de jeu bien à lui, sécurisé et délimité, distinct de son espace de sommeil.
Chez nous, Tom a accès à tous les espaces : nous avons retiré tous les objets « à risque » et protégé tous les meubles dangereux (coins, placards, etc.). De ce fait, il peut y évoluer et jouer librement tandis que je m’occupe de faire autre chose. Tout bénef pour lui et pour moi 🙂
Pour ma part, j’applique la motricité libre tout le temps. Et c’est vrai que mon Tchoutch est très (voire trop) confiant et gère bien son équilibre ; il a rarement fait de « grosses » chutes. Il s’est mis debout à 7 mois et a fait ses premiers pas à 10 mois, il est très agile (et survolté). Aurait-ce été pareil avec la ML ou pas ? Je ne saurai jamais, mais j’adore regarder ses expérimentations étranges et le voir se débrouiller comme un (petit) chef partout dans la maison. C’est, certes, épuisant, mais tellement drôle !
Motricité libre et sécurité : compatibles ou pas ?
Les grands principes cités ci-dessus sont la version idéale de la ML ; tout le monde sait qu’entre la théorie et la pratique il y a toujours un fossé ! Le principe reste d’appliquer la motricité libre « autant que faire se peut ».
Bien entendu, la sécurité prime sur la motricité libre : on dit que la ML s’applique à toutes les situations, sauf lors des repas, du sommeil et en déplacement. Au quotidien, on peut bien entendu utiliser un transat pour donner à manger, ou aussi utiliser un parc pour séparer l’enfant de dangers potentiels (aînés turbulents, animaux trop curieux, besoin de s’absenter de la pièce, etc.), etc. ; l’objectif des principes énoncés est surtout de ne pas abuser de ce type de matériel.
Aussi, motricité libre ne veut pas dire laisser l’enfant faire n’importe quoi. Il faut bien entendu le surveiller et l’accompagner dans ses découvertes tout en s’assurant de sa sécurité : fermer les placards dangereux, protéger les coins pointus, ne pas laisser accès aux escaliers sans surveillance, etc.
En conclusion, la motricité libre, c’est ce qu’il y a de plus naturel et sécuritaire pour les bébés ! Et vous, vous l’appliquez chez vous ?
Aller plus loin / Ressources
- Groupe Facebook ‘Motricité libre de l’enfant‘, où trouver des informations et des idées, poser des questions, etc.
- Livre « De la naissance aux premiers pas » de Michèle Forestier, où l’on trouve plein d’infos sur le développement moteur des enfants mais surtout des exercices et astuces pour les accompagner dans ces découvertes
- Article et dessins résumant la ML de Bougribouillons
- Articles divers : ici, ici, ici
- Blog de BabyMat, la reine de la ML (qui gère aussi le groupe cité plus haut)